L’Orient-Le Jour – 15 janvier 2010 – À quoi sert l’unité des chrétiens ?

Je ne partage pas l'avis de M. Amine Issa, brillant citoyen, dont je lis toujours avec grand intérêt les articles publiés dans ce journal (voir L'Orient-Le Jour des 5 et 6 janvier 2010 : « La dangereuse unité des chrétiens »). 
L'unité des chrétiens ne sert pas seulement à préserver la communauté. Et l'atomisation des partis chrétiens n'a pas seulement conduit à leur marginalisation politique. 
En effet, les chrétiens constituent ce que Bachir Gemayel appelait la « colonne vertébrale » ou la « charpente fondamentale » sur laquelle repose toute la « structure du pays ». Pour ébranler le Liban, l'État et le peuple libanais, les Abdel Nasser, Yasser Arafat, Hafez el-Assad et autres n'ont eu de cesse de s'en prendre par tous les moyens aux chrétiens et à leur unité. 
La Syrie a mis de nombreuses années avant de pouvoir instaurer la pax syriana au Liban. Lorsque les chrétiens étaient unis pour lui résister, la Syrie ne put rien faire. Ce n'est que lorsque les chrétiens se sont divisés que la Syrie a pu reprendre du terrain. Et, au summum de la division interchrétienne, la Syrie et ses alliés ont pu s'emparer de l'ensemble du pays, ôtant ainsi au Liban sa souveraineté et aux chrétiens une grande partie de leurs droits. Toutefois, ce n'est pas seulement aux chrétiens que des droits ont été retirés, mais à l'ensemble des Libanais qui virent le Liban devenir un État satellitaire de la Syrie baassiste. La stratégie a toujours été la même : d'abord s'attaquer aux droits des chrétiens, pour parvenir à s'en prendre aux droits des Libanais. Un exemple : le passage de 108 à 128 députés pour noyer le vote chrétien puis le trucage des élections législatives. Un autre exemple : vider la présidence de la République (garante de la Constitution) de l'essentiel de ses prérogatives afin de bafouer ensuite la Constitution et ainsi, entre autres, naturaliser illégalement des Palestiniens, des Syriens, des Kurdes et d'autres ressortissants arabes. En marginalisant les chrétiens, les parrains de Taëf, États-Unis, Syrie et Arabie saoudite, ont marginalisé un peuple qui s'est révolté le 14 mars 2005 contre le tuteur syrien. 
L'unité des chrétiens ne signifie pas la pensée unique, de même que l'unité de la droite française ne veut pas dire qu'il n'y ait plus de tendances conservatrices, libérales, sociales, chrétiennes, européennes, souverainistes, centristes, écologistes et autres en son sein. 
L'unité des chrétiens ne signifie pas non plus la soumission à un chef religieux. Comme l'explique le père Sélim Abou, les chrétiens, de même que les sunnites, les chiites et les druzes, doivent être vus comme un groupe culturel formant la nation libanaise. Les différentes églises chrétiennes ainsi que les ordres monastiques influencent grandement ce groupe culturel profondément lié au christianisme du fait de l'histoire, de la géographie et de la géopolitique. Mais il ne faut pas se limiter à cette influence des clergés chrétiens. Il faut également prendre en considération qu'un groupe culturel est avant tout un groupe social. Et c'est en cela que la politique a son rôle et sa place en dehors même du clergé. Ce qui ne signifie pas en opposition avec celui-ci. 
Toutefois, les trois derniers patriarches maronites, NN. SS.  Méouchy, Khoreiche et Sfeir, se sont opposés aux majorités populaires représentées tour à tour par le camp chamounien, les Forces libanaises et le courant aouniste. Ce désaccord a d'ailleurs été instrumentalisé non seulement par les minorités populaires opposantes, mais surtout par les Abdel Nasser, Yasser Arafat, Hafez el-Assad et autres. 
Charles Malek disait : « De l'unité des chrétiens découle l'unité du Liban. » Car l'unité des chrétiens n'est pas contre les musulmans, mais pour le Liban. Unis, les chrétiens peuvent réconcilier sunnites et chiites, sans même que Saoudiens, Syriens, Iraniens et autres ne s'en mêlent. 
Depuis l'ère des intifadas interchrétiennes qui ont détruit les chrétiens et le Liban, Fouad Abou Nader n'a eu de cesse de réclamer la constitution d'un centre démocratique de décision chrétienne. Qu'aux élections se présentent plusieurs partis. Et que le poids électoral de chacun soit respecté selon les règles démocratiques. Mais que, sur des sujets tels que la souveraineté libanaise ou les droits des Libanais en général et des chrétiens en particulier, ces partis parlent d'une seule voix. Qu'ensemble, ils rejettent un traité de fraternité qui ôte au Liban sa souveraineté pour réaliser l'anschluss avec la Syrie ! Qu'ensemble, ils réclament l'instauration du système uninominal comme loi électorale, car c'est le seul à pouvoir garantir une réelle parité telle que proclamée par la Constitution. Qu'ensemble, ils réclament des prérogatives pour la présidence de la République afin que celle-ci puisse agir alors que l'accord de Taëf les lui a ôtées et a transféré le pouvoir de décision à l'étranger. 

Michel FAYAD

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